Comme
l'a déclaré Torgeir Higraff chef de l'expédition samedi à Raroia, quelques
instants après avoir posé sur le pied sur le sable blanc de cet atoll, l'odyssée
de Tangaroa intitulée "l'aventure de la mémoire" rappelle que de grands
navigateurs ont autrefois sillonné le Pacifique d'Ouest en Est et vice versa.
"Orero" et
danses §A l'accueil
chaleureux que les habitants de l'atoll avaient réservé aux membres de l'expédition,
s'est joint samedi matin, une délégation gouvernementale présidé par le vice-président,
Jacqui Drollet. Couronnes de fleurs, discours traditionnel polynésien (orero),
danses, chants et repas pris au village ont marqué l'arrivée de l'équipage. Dans
le sillage de deux femmes §La traversée de Tangaroa est-elle un exploit
? Non. D'ailleurs, ce n'était pas l'objectif de l'équipage norvégien. On sait
aujourd'hui, que les courants sont favorables d'Est en Ouest en cette période
de l'année. En 1947, le Kon Tiki le prouva. Plus récemment, deux femmes, Raphaela
le Gouvello en planche à voile (2004) et l'année suivante Maud Fontenoy
à la rame, suivirent la même route. L'émotion
prend le dessus §"C'est fantastique d'être ici ! Il n'y a pas de mot
pour décrire cette sensation d'être enfin arrivé à destination. L'émotion prend
le dessus" a déclaré à Raroia, Olav Heyerdahl qui a refait avec Tangaroa,
le trajet de son grand père Thor Heyerdahl. Lequel avait conduit le Kon
Tiki du Pérou à la Polynésie en 1001 jours. Tangaroa n'a mis que soixante et onze
jours. Signalons que ce radeau possède deux fois plus de voilure de son
aîné Kon Tiki. Long de 17 m sur 8 m, il est constitué de onze troncs de balsa.
Son habitacle conçu pour six marins mesure cinq mètres sur trois et a été réalisé
en roseaux (totaras). Sa vitesse moyenne est de trois à quatre noeuds ce qui correspond
à la vitesse du courant qui longe les cotes de l'Amérique du Sud et qui traverse
ensuite la Polynésie française. Prêt
pour le soixantième anniversaire §"Nous avions envisagé d'effectuer
cette traversée l'an dernier. Le but était d'éditer un documentaire pour commémorer
le soixantième anniversaire du Kon Tiki" confie à Tahitipresse Olav Heyerdahl.
"Avec Tangaroa aujourd'hui, tout comme avec le Kon Tiki, hier, les noms de "Raroia"
et "Polynésie française deviennent internationaux. C'est un élément important
pour la promotion de notre pays" a déclaré le vice-président du gouvernement
Jacqui Drollet. Lequel affirme ne pas vouloir entrer dans le débat de savoir d'où
sont venues les migrations, de l'Amérique du Sud où de l'Asie. "Ce qui m'importe
est de profiter de l'opportunité pour inculquer aux générations futures leur histoire"
conclut le vice-président. Un
hôtel, un musée ? §Sur l'atoll de Raroia, la population parle déjà d'un
musée et d'un hôtel. "Je suis pour encourager ce type de construction à condition
que les éléments soient réunis. Il ne faut pas partir vers des projets disproportionnés,
mais plutôt vers une structure d'accueil à la mesure de l'atoll qui ne compte
que 150 habitants" précise Jacqui Drollet qui rappelle que l'atoll est à une
heure quarante de vol de Tahiti. Quant au musée oui, mais dans le respect de son
environnement. Trois
survivants et témoins §A Raroia, trois personnes âgées ont été témoins
de l'aventure du Kon Tiki qui s'était échoué après 101 jours de navigation en
1947. L'histoire eut une telle résonance internationale que l'ouvrage du récit
fut traduit dans une dizaine de langues. Selon le petit fils de Thor Heyerdahl,
trente millions de livres ont été vendu. Sur l'atoll de Raroia, samedi matin,
Torgeir Higraff a expliqué aux membres de la délégation gouvernementale, pourquoi
le nom de Tangaroa avait été choisi pour ce radeau. Il rappela ainsi que quelques
années après la mésaventure du Kon Tiki, l'un de ses membres d'équipage, le suédois
Bangs Danielson avait résidé sur cet atoll afin de rédiger sa thèse. "Dans
ses écrits, il évoqua le dieu mythologique de la mer, Tangaroa. Lequel inspira
tout naturellement le nom de notre expédition". Le
Pacifique, un laboratoire de la navigation §La principale préoccupation
de Olav Heyerdahl et Torgeir Higraffe chef du projet, fut de construire une embarcation
capable d'affronter les tempêtes et autres rigueurs de l'océan. Puisque le pont
du Kon Tiki avait été constamment balayé par les vagues, ils décidèrent de rehausser
le plancher de près d'un mètre. Torgeir Higraffe entreprit trois voyages au Pérou
afin de repérer et de sélectionner les troncs de traverses. "Le Kon Tiki et
Thor Heyerdahl ont fait avancer les hypothèses sur l'origine possible des polynésiens"
poursuit Torgeir Higraffe qui ajoute : "Depuis, tout le Pacifique et plus particulièrement
cette région est devenue une sorte de laboratoire de la navigation". Les
vikings ont la parole §"Nous qui sommes descendants des Vikings, si
nous nous intéressons à l'étude de vos ancêtres navigateurs, ce n'est pas pour
apporter la preuve qu'ils viennent d'Asie ou d'Amérique latine, mais plutôt pour
en savoir davantage sur le type d'embarcation qu'ils utilisaient lors de leurs
migrations transocéaniques" commente Torgeir Higraffe qui affirme qu'il y
a une similitude entre leurs embarcations réciproques au niveau de la voilure
entre autres.
De Bishop à Hokule'a §L'équipage de Tangaroa a longuement étudié leurs
prédécesseurs tel que Eric de Bishop ainsi les migrations contemporaines
de la pirogue double hawaïenne Hokule'a (1976) qui a sillonné plusieurs
fois le Pacifique. L'un des objectifs visé par Hokule'a était le type d'architecture
navale des embarcations d'antan. Les expéditions hawaïennes s'intéressèrent quant
à elles à la navigation astrale. Dans l'esprit de communication et de transmission
des savoirs, Tangaroa veut participer à la compréhension de ce qui a permis aux
navigateurs polynésiens de conquérir les archipels du Pacifique. Les
mêmes poissons pendant 7200 km §A l'exception de la rencontre de deux
bateaux dont un porte containeur et le voilier Adix, un schooner de 185
pieds, Tangaroa en 71 jours ne rencontra qu'un énorme requin marteau. "Ce qui
est remarquable, c'est que tout au long de ce périple de 400 milles nautiques,
nous avons été accompagné toujours par les mêmes poissons réfugiés sous le radeau"
s'exclame le chef de l'expédition, Torgeir Higraff. Un
radeau en classe §Selon l'équipage de Tangaroa et grâce a leur moyen de
communication satellite, presque tous les pays de la planète ont suivi leur périple.
Il communiquait aussi régulièrement avec les chaînes de télévision telles que
BBC, NBC. En Norvège, une classe d'étudiants a reconstruit le radeau et suivi
sa progression tout en s'initiant aux navigations du passé. "Avant de partir,
nous avons suivi une préparation spécifique auprès de scientifiques et spécialistes
de la navigation des Vikings. Nous avons suivi scrupuleusement leurs recommandations"
remarque Olav Heyerdahl. L'absence
remarquée de la marine nationale §Si lorsqu'il quitta le Pérou, l'expédition
reçut le soutien de la marine nationale péruvienne. En revanche, en arrivant à
Raroia et pour son trajet futur des Tuamotu à l'île de Raiatea (archipel de la
Société) la marine nationale basée a Tahiti prétend faute de moyens ne pouvoir
assister l'expédition. "J'ai reçu plusieurs courriers de l'Amiral dont une
copie a également été adressé au haut commissariat précisant que la marine nationale
ne pourrait pas apporter d'assistance à Tangaroa en raison de manque de moyens"
déclare Georges Estall, maire de Raroia.
Cap sur un musée en Norvège Le 10 juillet, si les conditions le permettent,
Tangaroa reprendra la mer, cap sur l'archipel de la Société, plus précisément
sur l'île de Raiatea où son arrivée est prévue le 25 juillet. Une cérémonie
aura lieu sur le marae (plate forme cérémonielle) de Taputapuatea,
site sacré d'où partirent les grandes les migrations d'antan. Après quoi Tangaroa
rejoindra Tahiti le samedi 29 juillet. De là, le radeau prendra place à bord d'un
cargo, cap sur l'Europe, en Norvège où il finira exposé dans un musée. CD
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